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África No es un paísÁfrica No es un país
Coordinado por Lola Huete Machado
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Vous avez dit … Bibish de Kinshasa?

Marie Louise Bibish Mumbu / Foto: Radio Canadá Internacional. Reportaje de Anne-Marie Yvon

Por Maria Anney Cassaignan (*)

Montréal, Québec : ambiance à la Kinoise, odeur de morue salée et de poivrons rouges, voyage immédiat dans les quartiers populaires de Kinshasa, la quatrième ville la plus peuplée d’Afrique…

Je me retrouve, cette soirée hivernale, bel et bien au Québec, à l’Espace Libre, ce théâtre citoyen, avec la possibilité de prendre une, deux, plusieurs bières et de me replonger dans la cacophonie du quartier Bisengo de la commune de Bandalungwa (Bandal) … C’est un voyage dépaysant que m’offre pendant deux heures, cette adaptation pour la scène du roman Samantha à Kinshasa de l’auteure Marie Louise Bibish Mumbu théâtralisé par Phillipe Ducros, metteur en scène québécois.

Dès le lever du rideau, la talentueuse et pétillante comédienne congolaise Gisèle Kayembe incarne nos semblables… celles qui quittent leur continent africain en quête d’un avenir meilleur. Elle se fait la voix d’une journaliste qui pense exaucer son souhait de migration vers l’occident mais qui se surprend à laisser errer son esprit vers ce qu’elle vient à peine de laisser derrière elle : ses amours, ses amitiés, les ambiances locales, le quotidien socio-politique… A-t-elle eu raison de quitter son pays natal ?

Pas à pas, cette soirée-là, grâce au monologue de notre héroïne, mon imaginaire me permet de rencontrer les jeunes sapeurs, les rivalités entre «filles de la nuit», les commérages de maman Sosa Mambu, les chauffeurs de kombi, les kadogo, ces enfants-soldats devenus aujourd’hui enfants de rue.

Si vous avez déjà assisté à du théâtre citoyen vous devriez sans aucun doute vous attendre à une représentation qui aborde des enjeux sociaux incontournables et confrontant…c’est en effet avec une originalité sans faille, que ce monologue, était interrompu par un surprenant dialogue décontracté et humoristique entre l’auteure congolaise Bibish Mumbu, le dramaturge Papy Maurice Mbwiti et le metteur en scène Québécois Philipe Ducros... un dialogue Nord/Sud quoi… et ça jasait du terrorisme occasionné par l’exploitation minière au Congo, des régimes politiques successifs depuis l’indépendance du pays, de condition féminine…tout cela en cuisinant pour les spectateurs et spectatrices!

C’est une histoire de résilience que cette jeune auteure congolaise a désiré partager avec son auditoire. Malgré les déchirements internes, les violences multiples, les injustices quotidiennes causées par cette dévastatrice guerre, Bibish a mis un point d’honneur à montrer surtout comment ses 60 millions de compatriotes arrivent à s’ajuster dans cette société qui est la sienne… la leur. Elle partageait lors de la discussion qui clôturais ce voyage, que le quotidien dans ces rues de Kinshasa semble cadencé entre un paradoxe d’une existence bon enfant malgré les effondrements alentours… Lors de ces échanges stimulants et inspirants avec Bibish Mumbu, c’est également une histoire d’amour pour sa ville natale, de nostalgie partagée sans pudeur par cette kinoise qui décidait il y a 6 ans de s’installer à Montréal par amour (pour un homme au départ mais l’amour a fui et Montréal est resté nous confie-t-elle!).

Mais qui est Marie Louise Bibish Mumbu?

Sans avec une assurance et sans sourciller que Bibish (elle tient à ce que nous utilisions ce surnom-souvenir que son père défunt lui a donné), s’appose l’étiquette de féministe! Cette femme engagée et militante est aussi Chargée de projets de leadership auprès d’une organisation féministe montréalaise depuis maintenant quelques années. Cette conteuse du quotidien, dont la plume est bien connue à Kinshasa, s’attache à faire connaitre en Europe et au Canada, les défis et succès de la jeunesse congolaise.

Née en 1975 à Bukavu à l’Est de la République Démocratique du Congo, sa famille, originaire des deux Kasaï au Centre, réside à Kinshasa, à l’Ouest du pays. C’est au sein de cette famille de 6 enfants que sa passion pour le verbe (oral et écrit) a commencé. Oui… dans la chaleur du modeste foyer familial.

«C’est en écoutant les conversations de mes parents… ces intellectuels, que j’ai bâtit ma passion pour le transmettre par écrit. C’est cet amour pour mon père qui me poussait tous les soirs, à lui écrire de tendres billets, des histoires du quotidien, jusqu’à ce que la mort nous éloigne l’un de l’autre, à mes 18 ans…», elle dit.

En hommage à ce père et pour assouvir ce vide laissé en elle, Marie Louise Bibish Mumbu décide alors d’entreprendre des études de journalisme et devient en 1998 correspondante pour la revue culturelle basée en France Africultures. Elle devient par la suite, de 2001 à 2003, administratrice de la compagnie de danse de Faustin Linyekula, chorégraphe congolais.

C’est à cette même période qu’elle publie son premier texte Mes obsessions, j’y pense et puis je crie!, qui sera joué à Kinshasa. Elle monte en 2005, avec Faustin, Le Festival des mensonges, un spectacle d’art vivant qui mêle danse et théâtre sur des discours des personnalités politiques qui ont marqué l’histoire des Congolaises et congolais, du roi des Belges à Kabila père.

C’est à partir de ce "concret" que lui offre la vie de tous les jours qu’elle écrira La fratrie errante (2007), Moi et mon cheveux: cabaret littéraire (2009) et Samantha à Kinshasa (2009), qui sera le socle du spectacle Bibish de Kinshasa, actuellement en tournée au Québec.

(*) Maria Anney Cassaignan es una socióloga afrocanadiense (de origen marfileño) especializada en Género y políticas sociales. Trabaja en la comuna de Quebec (Canadá) en temas de género y empoderamiento. Afrofeminista, se apasiona al afrontar las exigencias sociales que se asignan tradicionalmente a las mujeres y disfruta el intercambio de experiencias solidario y el relato de vida femenino.

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