_
_
_
_
_

10 pistes pour comprendre le Sénégal

Stabilité politique, des élections et la récente découverte de gaz et de pétrole. Voilà les clés pour décrypter un pays aux liens forts avec l’Espagne

Des femmes sur la plage de Dakar (Sénégal).
Des femmes sur la plage de Dakar (Sénégal).Jane Hahn / FAO
José Naranjo

Seize millions d’habitants, pas un seul coup d’État, une croissance de 6% par an, un patrimoine unique, un avenir à décider avec les nouvelles découvertes de gaz et de pétrole... Le Sénégal c’est tout cela et beaucoup plus. Voici 10 clés pour comprendre le contexte national de l’endroit choisi par EL PAÍS pour raconter pendant un an comment est la vie dans une ville africaine: Saint-Louis.

1. Stabilité. Le Sénégal est un petit pays de 16 millions d’habitants situé en Afrique de l’Ouest qui se caractérise par sa stabilité politique. Dans un contexte régional turbulent, de violence terroriste ou de régimes autoritaires, le Sénégal est passé sans sursauts d’un régime socialiste à parti unique à une démocratie multipartite ayant connu déjà deux alternances pacifiques, en 2000 et 2012. Il n’a jamais subit un coup d’État, ce dont peu de pays africains peuvent se vanter, et il est seulement touché par un conflit armé de nature indépendantiste dans la région de Casamance, au sud du pays. Cependant, il existe actuellement un cessez-le-feu et des conversations de paix, et les hostilités sont presque terminées.

2. Élections 2019. Le 24 février prochain, les sénégalais sont appelés à se rendre aux urnes pour élire un nouveau président. Le candidat favori est le chef de l’État actuel, Macky Sall, qui aspire à un deuxième mandat. Il sera opposé à quatre aspirants, parmi lesquels on peut distinguer la figure émergente du député Ousmane Sonko, 44 ans, qui a réussi en peu de temps à communiquer avec les jeunes de la classe moyenne et certaines élites urbaines. Ceux qui étaient a priori les deux principaux rivaux du président actuel, Khalifa Sall et Karim Wade, ont été exclus de la course présidentielle par le Tribunal constitutionnel, qui a annulé leurs candidatures du fait qu’ils ont été tous deux condamnés suite à des affaires de corruption et de détournement de fonds publics. Des organismes internationaux et l’opposition ont critiqué ce qu’ils considèrent une “utilisation politique de la justice”.

3. Croissance économique. Même si c’est un pays en voie de développement, le Sénégal vit depuis l’année 2012 une période de croissance économique avec des chiffres supérieurs à 6% annuel, au-dessus de la moyenne mondiale et en tête du peloton africain. Cette prospérité est due à sa stabilité politique et monétaire, avec un taux de change fixe par rapport à l’euro qui rend plus facile les échanges commerciaux, et aux efforts de planification de l’État dans des secteurs clés. À cet égard, le Plan Sénégal Émergent mis en place par le Gouvernement actuel a mis l’accent sur la construction d’infrastructures, l’amélioration des conditions de vie des citoyens, les énergies renouvelables et la souveraineté alimentaire à travers la modernisation de l’agriculture. La création de zones économiques spéciales va lui permettre d’affirmer sa condition de centre de distribution pour toute la région. Parmi les projets déjà en marche ou en construction on distingue le pôle de développement de Diamnadio, deux nouvelles terminales portuaires, le nouvel aéroport, le Train express régional ou le réseau d’autoroutes. La dette publique augmente, mais elle n’est pas incontrôlable grâce à la mise sur les alliances publiques-privées, l’investissement étranger, surtout de l’UE, du Maroc, de la Chine ou de la Turquie, et au soutien de grandes institutions financières internationales telles que la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement, entre autres.

Même si c’est un pays en voie de développement, le Sénégal vit depuis l’année 2012 une période de croissance économique avec des chiffres supérieurs à 6% annuel

4. Émigration. Les bons chiffres économiques du Sénégal ces dernières années ne peuvent pas masquer la réalité car c’est le 164ème pays sur 189 de l’Indice de développement humain, et, malgré une certaine amélioration, au moins quatre sur dix habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté. L’émigration, surtout vers d’autres pays africains, a toujours été la solution aux problèmes de nombreuses familles, mais aussi une aspiration légitime pour des peuples et des ethnies dont le déplacement à la recherche de ressources et de nouveaux horizons est inscrit dans leur ADN. Ces dernières années, l’émigration vers l’Europe a augmenté considérablement et des dizaines de milliers de Sénégalais sont partis en exode vers des pays comme la France, l’ancienne métropole, l’Italie et l’Espagne. On calcule qu’il y a près de 600.000 Sénégalais à l’étranger. Le départ d’embarcations vers les Canaries entre 2005 et 2009 a constitué une opportunité que beaucoup ont tenté de saisir, mais elle a laissé des milliers de morts en mer.

5. Liens avec l’Espagne. Le Sénégal est un des pays de l’Afrique subsaharienne avec le plus de liens avec l’Espagne, et l’émigration a joué un rôle essentiel. Dans le processus d’externalisation du contrôle frontalier de l’Union européenne, les forces de sécurité espagnoles collaborent étroitement et depuis le propre territoire sénégalais avec les autorités nationales. Ces bonnes relations s’expliquent aussi par le fait que le Sénégal est un pays prioritaire pour la coopération espagnole, ce qui a donné lieu à des investissements de plus de 50 millions d’euros entre 2014 et 2017 dans des projets de développement, notamment à Saint-Louis et en Casamance. L’intérêt pour la langue espagnole augmente aussi et on calcule qu’environ 200.000 jeunes l’étudient. À partir de la Salle de Classe existante à Dakar depuis 2009, l’ouverture d’une branche de l’Institut Cervantes est prévue cette année. Finalement, attirée par la stabilité, la prospérité économique et un cadre de stabilité bilatérale, la présence d’entreprises espagnoles est en pleine expansion.

6. Gaz et pétrole. La découverte d’importantes réserves de gaz et de pétrole au Sénégal est en train de susciter d’énormes espoirs et, d’ailleurs, une grande partie du débat politique tourne autour de celle-ci. Le principal gisement, dénommé Grande Tortue, se trouve dans la plateforme côtière entre la Mauritanie et le Sénégal. Il contient 425 milliards de m3 de gaz que l’on commencera à exploiter, selon les calculs les plus optimistes, dans une période de deux ans. Les entreprises ayant obtenu la concession sont Kosmos et British Petroleum. Jusqu’à présent, les ressources minières pesaient relativement peu dans le PIB sénégalais (phosphates), mais il y a eu un boom de l’industrie extractive de l’or ces dernières années, notamment dans la région de Kedougou (sud-est). Le Sénégal compte déjà une raffinerie de pétrole, mais tout indique qu’une deuxième sera construite dans les prochaines années.

7. Histoire. Le Sénégal a une histoire précoloniale fascinante. D’abord sous l’influence de l’empire du Ghana, et ensuite en formant partie de l’empire du Mali, différents royaumes, tels que ceux de Tekrur, Waalo, Kayor, Baol, Sine et Saloum, se sont installés sur son territoire. Beaucoup d’entre eux se sont unis en créant l’empire Djolof, qui a connu l’arrivée des Européens. Portugais, Hollandais et Britanniques ont rivalisé entre eux pour s’installer dans cette zone privilégiée pour le commerce d’esclaves, mais finalement, c’est la France qui s’est installée au XVIIème siècle dans ce que l’on appelait les quatre communes: Gorée, Saint-Louis, Dakar et Rufisque, la base de l’État sénégalais moderne. Pendant le XIXème siècle et au début du XXème, au moment où le pouvoir français s’étend sur tout le territoire, des figures éminentes comme Alboury Ndiaye, Aline Sitoé Diatta ou le leader religieux Cheikh Amadou Bamba sont apparues et ont fait face à la colonisation. En 1960, le pays a obtenu son indépendance.

8. Religion. Le Sénégal est un pays laïc, ainsi que l’établit la Constitution, mais l’Islam est la religion dominante car plus de 90% de la population la pratique. De tendance soufi, les musulmans sénégalais sont divisés en confréries qui, jusqu’à présent, ont endigué considérablement la pénétration d’idées radicales venant de l’extérieur. La tidjiane, dont la capitale est Tivaouane, et la mouride, fondé par Cheikh Amadou Bamba, dont l’épicentre se trouve à Touba, sont les plus nombreuses. La religion est très présente dans la vie quotidienne et dans les fêtes comme celles de la Tabaski ou la Korité, et les différents magal (rencontres) sont des évènements de grande importance qui paralysent presque le pays pendant quelques jours. La coexistence entre les religions est saine. La plupart des chrétiens se concentrent dans la zone de Joal, Sine Saloum et en Casamance, où l’animisme est aussi très présent.

9. Défis. Le chômage, avec un taux d’environ 40% entre les jeunes qui conforment la plus grande partie de la main d’œuvre active, est un des principaux défis que doit relever ce pays. Le manque d’opportunités de travail et les difficultés pour monter une affaire sont quelques unes des causes de l’émigration. Dans certaines zones du pays, comme Matam, Podor ou Louga, la pauvreté s’allie à la sécheresse, et en été les taux de malnutrition chez les enfants dépassent le seuil d’alerte de 15%. La malnutrition chronique arrive jusqu’à 30%. Tandis que le système public de santé est l’un des meilleurs de la région, l’éducation vit une grave crise structurelle: enseignants mal rémunérés, salles de classe insuffisantes ou mal équipées avec une surpopulation d’élèves, et mauvaise correspondance des cycles supérieurs avec le marché du travail. La sauvegarde des enfants constitue un autre défi considérable. Près de 50.000 enfants mendient dans les rues, et un grand nombre d’entre eux vivent pauvrement dans des écoles coraniques sans aucun contrôle. La gestion des déchets est un autre défi. Les poches en plastique sont interdites, mais elles inondent les rues et les décharges des principales villes.

10. Patrimoine naturel. Le Sénégal n’a ni le glamour médiatique des savanes du Kenya et de la Tanzanie, ni la nature spectaculaire de l’Okavango ou de la jungle du Congo, mais son patrimoine naturel possède une importance singulière. Les parcs nationaux de la Langue de Barbarie, et surtout celui de Djoujd, au nord, sont essentiels pour les oiseaux migrateurs dans leurs routes saisonnières. Au sud de Dakar, le Delta du Sine Saloum est un spectacle de mangroves, de bancs de sable et d’oiseaux comme les cormorans, les pélicans et les flamants. Dans le Niokolo Koba on peut encore observer des antilopes, des buffles, des phacochères, des léopards, des gazelles ou des crocodiles. Dans le sud, la Basse-Casamance offre un mélange parfait entre une culture singulière aux rites animistes et une végétation luxuriante parsemée de gigantesques fromagers et d’arbres à mangues. Finalement, dans la Réserve Naturelle de Dindefelo on peut voir les derniers chimpanzés sauvages du pays.

Suivez PLANETA FUTURO sur Twitter, Facebook et Instagram. Abonnez-vous ici à notre newsletter.

Sobre la firma

José Naranjo
Colaborador de EL PAÍS en África occidental, reside en Senegal desde 2011. Ha cubierto la guerra de Malí, las epidemias de ébola en Guinea, Sierra Leona, Liberia y Congo, el terrorismo en el Sahel y las rutas migratorias africanas. Sus últimos libros son 'Los Invisibles de Kolda' (Península, 2009) y 'El río que desafía al desierto' (Azulia, 2019).

Más información

Archivado En

_
_